mardi 12 mars 2013

Ikal Angelei contre la construction d'un barrage menaçant le lac Turkana


Situé dans la vallée du Rift en Afrique orientale, le lac Turkana, un site du patrimoine mondial, est le plus grand lac de désert du monde.
Un site archéologique y abrite quelques-uns des plus anciens fossiles humains.

Le bassin du lac Turkana est le foyer de grandes populations de crocodiles, d'hippopotames, de serpents et de poissons. Son écosystème en pleine croissance représente une bouée de sauvetage pour des centaines de milliers de paysans autochtones, des éleveurs et des pêcheurs qui vivent autour de lui.

Au cours des 40 dernières années, le changement climatique, les projets d'irrigation et de barrages en amont n'ont cessé de faire baisser le niveau d'eau du lac Turkana. Comme l'eau se raréfie, les résidents près de la frontière du Kenya et de l'Ethiopie qui dépendent du lac arrivent très difficilement à subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.
La raréfaction des ressources naturelles a accru la concurrence pour le bois, les animaux et surtout l'eau entre les communautés autochtones au Kenya et en Éthiopie. Cela engendre des raids armés et des massacres dans la région du lac Turkana.

En 2006, l'Ethiopie a commencé la construction du barrage Gibe 3 le long de la rivière Omo, source de 90 pour cent de l'eau du lac Turkana. Souvent comparé à celui de la Chine des Trois Gorges, le barrage Gibe 3, s'il est achevé, serait la plus grande centrale hydroélectrique en Afrique, et la quatrième dans le monde.
Le barrage est susceptible de faire baisser le niveau d'eau du lac de 7 à 10 mètres au cours des cinq premières années. Cela épuiserait les stocks de poissons et priverait les communautés d'une source essentielle d'eau potable dans cet environnement désertique.
La pauvreté et les conflits sur les ressources entre les collectivités sont susceptibles d'augmenter en conséquence.


La motivation d'Ikal Angelei

Née à Kitale et ayant grandi dans la région violente du bassin du lac Turkana, à 31 ans, Ikal Angelei a appris dès son plus jeune âge à se protéger dans les conflits ethniques entre les communautés autochtones du Kenya et d'Ethiopie.

Elle a travaillé à l'Institut du Bassin de Turkana, un centre de recherche en anthropologie, lorsqu'elle a entendu des chercheurs parler de la construction de l'immense barrage: elle a tout de suite senti une responsabilité pour l'arrêter.
Indignée par le fait que les plans avançaient sans aucune consultation des communautés locales, elle a fondé les Amis du lac Turkana (Friends of Lake Turkana - FoLT) en 2008.

Angelei suit les traces de son père, un membre éminent du Parlement du Kenya qui s'est opposé à la construction du barrage de Turkwell dans les années 1980 et 90. Elle a également été comparée au prix Nobel et Goldman Wangari Maathai en raison de leur conviction commune que l'éducation des communautés locales est au centre de leur lutte pour protéger l'environnement et garantir un avenir meilleur pour elles-mêmes.


L'impact de son action.

Angelei a réuni les communautés autochtones divisées et marginalisées, du lac Turkana, pour lutter contre les conséquences environnementales et sociales du barrage Gibe 3.
Elle a informé les anciens, les chefs et les leaders d'opinion qui n'avaient pas tous entendu parler du projet du barrage et de ses implications.

En Février 2009, les tribus locales publient une "Déclaration des gens du lac Turkana", qui permet à l'association FoLT  de faire connaître leurs griefs concernant le barrage. Angelei a fait entendre leurs voix auprès des membres locaux du parlement et des ministères de l'Environnement, de l'Energie, de l'Eau, de l'Irrigation et de la pêche, les exhortant à reconsidérer la position du Kenya en affaire avec l'Éthiopie. En réponse au plaidoyer d'Angelei, en Août 2011, le Parlement kenyan a adopté une résolution unanime pour que le gouvernement kenyan exige une évaluation environnementale indépendante de l'Ethiopie.

Le Comité du patrimoine mondial de l'UNESO a également répondu à ses appels en adoptant une résolution d'arrêter la construction du barrage jusqu'à ce qu'une enquête plus approfondie ait lieu.

Mais, le plus impressionnant, Angelei a réussi à convaincre les grandes banques, dont la Banque mondiale, la Banque européenne d'investissement et la Banque africaine de développement, de retirer leurs considérations pour le financement du barrage de Gibe 3 !

Actuellement, le barrage Gibe 3 n'est complet qu'à 40%, le gouvernement éthiopien ayant du mal à obtenir des fonds supplémentaires.

Angelei s'efforce de s'assurer que le Kenya se conforme à la résolution adoptée par le Parlement. Si le Kenya se retire de son accord avec l'Ethiopie pour acheter un tiers de l'électricité, cela mettrait en péril le financement futur du projet car la Chine, le dernier gros investisseur, ne serait pas en mesure de justifier son investissement avec une telle demande diminuée.

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