mercredi 8 avril 2015

Ruth Buendia: réunir un peuple contre la menace d'un barrage


En 2010, les gouvernements du Brésil et du Pérou signent un accord bilatéral sur l'énergie qui a demandé une série de grands barrages hydroélectriques en Amazonie.
Selon cet accord, la plus grande partie de l'énergie devrait être exportée vers le Brésil. Peu de retombées économiques étaient attendues pour les communautés locales péruviennes, dont les territoires ancestraux seraient immergés au cours de ces constructions.

Parmi les indigènes vivant dans la zone du site de construction proposé, le barrage de Pakitzapango le long de la Rivière Ene, se trouvent les Asháninka. Ce peuple a fait son habitat dans l'épaisse forêt, le "sourcil de la jungle", pratiquant l'agriculture de subsistance, la chasse et la pêche.

L'accord énergétique a été mené sans aucune concertation avec les Asháninka, ce qui est une violation du traité de l'Organisation Internationale du Travail (ratifié par le Pérou en 2006).
Ce traité demande à ce que les gouvernements consultent les communautés indigènes sur tout projet de développement concernant leur territoire.

Ruth Buendia avait 12 ans lorsque les guérilleros du Sentier Lumineux envahirent le territoire Asháninka et mirent en place des opérations politiques et militaires.
Son père fut tué au cours de violences qui s'en suivirent, et sa mère l'envoya au loin recherche la sécurité à Lima.

Des milliers d'Asháninka furent tués lors du conflit et des milliers d'autres ont fuit leur terre ancestrale.

Après son retour chez elle, Buendia travailla dans un magasin de jus à Satipo où elle est approchée par un client la reconnaissant comme camarade Asháninka; il l'encourage à rejoindre le Centre Asháninkade la Rivière Ene (CARE).

Désireuse de renouer avec ses racines et de contribuer à la guérison de la communauté Asháninka, elle commence à faire du volontariat dans l'organisation, aidant les indigènes à obtenir les papiers nécessaires pour aller à l'école et pour avoir accès aux services publics.

Voyageant dans la vallée de la Rivière Ene, Buendia rencontre plusieurs chefs de tribaux qui connaissaient et respectaient son père; elle se sent chez elle pour la première fois.

Elle continu son engagement dans l'organisation, et en 2005,une retraire dans la direction lui donne une opportunité inattendue: à 27 ans, elle est élue première femme présidente de CARE.

Peu de temps après cette élection historique, Buendia se penche sur l'accord énergétique bilatéral et sur le barrage prévu de Pakitzapango.
Les demandes de CARE au gouvernement péruvien pour plus d'informations restent sans réponse. Mais il devient rapidement clair que ces grands barrages allaient déplacer des milliers d'Asháninka, rouvrant les vieilles blessures de la guerre civile péruvienne il y a seulement une décennie.

Buendia et son équipe commencent alors à contacter les communautés Asháninka, renforçant la sensibilisation  sur le barrage et ses menaces à l'aide de simulations numériques sur la façon dont la vallée allait être immergée pendant la construction.

 Ils organisent un rassemblement de la toute la région et unissent les Asháninka contre le  barrage.

Buendia porte la lutte au niveau des dirigeants internationaux. Elle part pour Washington en tant que représentante de la délégation Asháninka et et présente un rapport à la Commission Inter-Américaine des Droits de l'Homme sur l'impact du développement énergétique du Pérou sur son peuple.

En décembre 2010, conséquence directe de la lutte de Buendia, le Ministère Péruvien de l'Energie rejette une requête de Pakitzapango Energy qui aurait permis au barrage d'aller plus loin.

L'année suivante, Odebrecht, l'actionnaire dans un autre barrage, le Tambo 40, annonce son retrait du projet, citant le besoin de respecter les points de vue des communautés locales.


Depuis, le projet Pakitzapango est porté au tribunal, et Buendia travaille maintenant à établir fermement les droits fonciers pour les Asháninka.
Elle est entrain de développer un plan de gestion pour la Réserve Communale des Asháninka qui permettrait de protéger leurs terres contre de futur projets de développement tout en permettant aux communautés locales de poursuivre des possibilités économiques durables tels que la culture du café et du cacao.



Ruth Buendia à Reçu le prix Goldman de l'Environnement en 2014

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