vendredi 27 novembre 2015

Berta Cáceres contre un méga projet de barrage au Honduras


Dans un pays où augmentent les inégalités socioéconomiques et les violations des droits de l'homme, Berta Cáceres a réussi a rallier le peuple indigène Lenca du Honduras. Elle a mené une campagne populaire qui a fait pression avec succès sur le plus gros constructeur mondial de barrage afin de se retirer du Barrage Agua Zarca.


Depuis le coup d'état de 209, le Honduras a vu une explosion de méga projets destructeurs pour l'environnement et déplaçant les communautés indigènes. Presque 30%  des terres du pays ont été affectées à des concessions minières, créant une demande en énergie moins chère afin d'alimenter les futures opérations minières.

Pour répondre à ce besoin, le gouvernement a approuvé des centaines de projets de barrage dans tout le pays, privatisant des rivières, des terres, et déracinant des communautés. Parmi ces projets figurait le Barrage Agua Zarca, un projet commun de la compagnie hondurienne Desarrollos Energéticos SA (DESA) et de la société chinoise Sinohydro, le plus grand bâtisseur de barrage au monde.

Agua Zarca, prévu pour être construit sur la rivière sacré Gualcarquea été lancé sans consultation du peuple indigène Lenca, ce qui était une violation des traités internationaux régissant les droits des peuples autochtones.

La barrage aurait coupé l'alimentation en eau, nourriture et médicaments pour des centaines de Lenca et aurait violé leur droit à gérer et à vivre de leurs terres de manière durable.

Berta Cáceres, une femme Lenca, a grandi lors des violences qui ont balayé l'Amérique Centrale dans les années 1980. Sa mère, sage-femme et militante sociale, avait prit soin des réfugiés d'El Salvador, et apprit à ses enfants la valeur de militer pour des personnes privées de leurs droits.

Cáceres a grandit et est devenue une étudiante militante. En 1993, elle co-fonde le National Council of Popular and Indigenous Organizations of Honduras (COPINH) afin de répondre aux menaces croissantes visant les communautés Lenca par l'exploitation forestière illégale, et se battre pour leurs droits territoriaux et améliorer leurs moyens de subsistance.

En 2006, des membres de la communauté de Rio Blanco vinrent demander de l'aide au COPINH. Ils avaient été témoin d'un afflux de machines et d'équipements de constructions arrivant dans leur ville. Ils n'avaient pas idée de ce qui devait être construit ni de qui était derrière le projet. Ce qu'ils savaient était que c'était une agression contre la rivière, un lieu spirituel important pour le peuple Lenca, et donc un acte contre la communauté, sa libre volonté et son autonomie.

Avec des mandats des communautés locales à chaque étape du chemin, Cáceres commença à monter une campagne contre le Barrage Agua Zarca. Elle a déposé une plainte auprès des autorités gouvernementales, accompagnée de représentants de la communauté lors des voyages à Tegucigalpa.

Elle organisa une assemblée locale où les membres de la communauté votèrent formellement contre le barrage, et mena une protestation où  les gens exigèrent pacifiquement à avoir leur mot à dire dans le projet.

La campagne a aussi atteint la communauté international, apportant le cas à la Commission Inter-Américaine des Droits de l'Homme et introduisant des recours contre les bailleurs de fonds du projet tel que l'International Finance Corporation (IFC), la branche du secteur privée de la Banque Mondiale.


Ignorant ces appels, le gouvernement et les maires locaux sont allés de l'avant. Ils ont trafiqué une réunion de la communauté afin de donner une fausse image d'une approbation à l'unanimité pour le barrage; ils ont aussi offert de l'argent aux habitants en échange de leur signature sur des documents déclarant leur soutien.

En avril 2013, Cáceres organise un blocus routier pour empêcher la DESA d’accéder au site du barrage.
En utilisant un système soigneusement organisé d'alertes pour garder tout le monde prêt à agir, le peuple Lenca a maintenu une présence forte mais pacifique. Les amis et familles ont fait des rotations pendant des semaines...

Pendant plus d'un an, le blocus a résisté à plusieurs tentatives d'expulsion et des attaques violentes de la part des entreprises de sécurité militarisée et des forces armées honduriennes. Le climat de violence du Honduras est bien connu, en revanche on sait beaucoup moins que les militants des droits de l'homme et de l'environnement en sont les victimes...

Tomas Garcia, un leader de la communauté de Rio Blanco, a été tué lors d'une manifestation pacifique au bureau du barrage. D'autres ont été attaqués avec des machettes, détenus et torturés. Aucun des auteurs n'a fini en justice.

En réponse à ces attaques, Cáceres et la communauté Lenca gardèrent les équipements de construction sur le site du barrage proposé.

En fin 2013, Sinohydro rompt son contrat avec DESA, citant publiquement la résistance continue de la collectivité et l'indignation après la mort de Tomas.

Agua Zarca a subi un autre coup lorsque la SFI a retiré son financement, invoquant des préoccupations au sujet des violations des droits de l'homme.

A ce jour, la construction du projet est suspendue. Ce qui n'a pas cessé, sont les menaces de mort contre Cáceres.

En dépit de ces risques, elle maintient une présence publique afin de continuer son travail.

Dans un pays avec l'un des taux de meurtre les plus élevés au monde, Cáceres espère que la victoire contre Agua Zarca apportera de l'espoir aux activistes combattant le développement irresponsable au Honduras et dans toute l'Amérique Latine.





Berta Cáceres a reçu le prix Goldman  en 2015.
 
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